Sous l’ancien régime, les relations entre l’Église catholique et la Couronne sont étroites et régies par le concordat de Bologne signé en 1516 entre François 1er et le pape Léon X. L’église est très présente dans la vie quotidienne de la population (assistance aux pauvres, soins hospitaliers) et détient un quasi-monopole de l’enseignement. La France, en sa qualité de « fille aînée de l’Église » a vocation à accomplir pour l’humanité les desseins de la volonté divine.

Mais l’idée d’une distinction entre le politique et le religieux et d’une autonomie du politique remonte aux débuts du christianisme et ce sont des théologiens qui vont l’exprimer, en se fondant sur les Évangiles et les Épîtres de saint Paul : saint Augustin (la Cité de Dieu et la Cité terrestre) dont les écrits vont donner naissance à l’augustinisme politique (la théorie des deux glaives) ; saint Thomas d’Aquin qui, en s’inspirant des philosophes grecs, légitime l’ordre temporel et l’autonomie du politique. Viendront ensuite les initiateurs de l’État souverain moderne (Machiavel et Jean Bodin) qui sécularisent la pensée politique.

La Renaissance apporte des innovations essentielles.

En premier lieu, il y a l’autonomisation des individus par rapport à l’institution religieuse et l’autonomie du pouvoir temporel par rapport à l’Église. Dans ce domaine, la réforme protestante a joué un rôle décisif. Dans son traité de 1523 intitulé De l’autorité temporelle et des limites qu’on lui doit, Martin Luther (1483-1546) écrit : « Étant donné que c’est à chacun de décider, selon sa conscience, comment croire ou ne pas croire, sans causer par là aucun tort au pouvoir temporel, ce dernier doit s’en contenter, s’occuper de ses affaires et laisser à chacun le soin de croire d’une manière ou d’une autre comme il peut et comme il veut, sans contraindre personne par la force ».

En second lieu, il y a le questionnement sur les libertés individuelles. Thomas Hobbes (1588-1679) s’interroge sur le fondement de l’obéissance légitime et les rapports entre religion et politique. John Locke (1632-1704) introduit la notion de tolérance et affirme la « nécessité absolue » de distinguer « ce qui regarde le gouvernement civil de ce qui appartient à la religion et de marquer les justes bornes qui séparent les droits de l’un et ceux de l’autre » ; il estime que l’État est « une société d’hommes instituée dans la seule vue de l’établissement, de la conservation et de l’établissement de leurs intérêts civils » ; toujours selon lui, l’Église constitue une « société libre d’hommes volontairement réunis pour adorer publiquement Dieu de la façon qu’ils jugent lui être agréable et propre leur faire obtenir le salut ». Baruch Spinoza s’interroge sur la séparation entre foi et raison et sur les limites des libertés de penser et de parler.

La période des Lumières (XVIII° siècle) fait émerger, en lien avec l’émancipation apportée par la Raison, une réflexion sur la formation des citoyens et leur participation à la souveraineté politique. Ces thèmes seront développés par Montesquieu (séparation des pouvoirs), Voltaire (lutte contre l’intolérance) et Rousseau (souveraineté populaire, démocratie, éducation). Ils seront également traités par Condorcet, notamment dans son ouvrage Cinq mémoires sur l’instruction publique(1791) : la formation des citoyens (l’instruction publique) est la condition de la pérennité d’une démocratie républicaine et de la liberté.

À la veille de la Révolution, tout cet héritage humaniste constitue le soubassement de ce qui deviendra la laïcité.