La Révolution crée une rupture fondamentale en dissociant l’Église et l’État et en établissant la liberté religieuse. Mais elle reste éloignée du concept moderne de laïcité : (i) par sa référence déiste à un « Être suprême » ; (ii) en menant un combat pour assujettir le pouvoir spirituel de la papauté au contrôle de la république (avec la constitution civile du clergé la Révolution est l’héritière du gallicanisme de l’ancien régime).

Dans la lignée des Lumières, « la France ne se détourne pas de sa vocation universaliste, mais tend à substituer à sa fonction de missionnaire de l’évangile catholique, le messianisme de la liberté et des droits de l’homme »[1].

Dès le 26 août 1789, l’Assemblée Nationale, inspirée des idées des Lumières, adopte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) qui, « en présence et sous les auspices de l’Être suprême », édicte dans son article 10 que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre établi par la loi ».

Un décret du 2 novembre 1789 de l’Assemblée constituante nationalise les biens du clergé (remède à la crise financière qui sévit) et en contrepartie l’État s’engage à prendre en charge les frais du culte et l’entretien de ses ministres.

Une loi du 13 février 1790 supprime les congrégations, à l’exception de celles qui ont un rôle caritatif ou d’enseignement.

Un décret de l’Assemblée nationale du 12 juillet 1790 établit la Constitution civile du clergé qui restera en vigueur jusqu’en 1801, date de son abolition par le Concordat. La Constitution civile (qui ne concerne que le clergé catholique) modifie profondément l’organisation territoriale et le mode de fonctionnement du clergé : les évêques et les curés sont élus (processus distinct de l’institution canonique donnée par l’Église, qui est conservée) et perçoivent un traitement de l’État. Ces dispositions sont condamnées par la papauté et vont entraîner une division entre clergé constitutionnel et clergé réfractaire.

L’état-civil est laïcisé par une loi du 20 septembre 1792 et le divorce institué par une loi du 20 septembre 1792.

La constitution du 3 septembre 1791 (qui instaure une monarchie constitutionnelle) s’ouvre par la DDHC du 26 août 1789 et garantit dans son titre premier le libre exercice des cultes. Une loi du 18 août 1792 supprime les congrégations d’hommes et de femmes, tant laïques que religieuses, qui subsistaient.

La Convention nationale décrète les 21-22 septembre 1792 l’abolition de la monarchie ; elle déclare le 25 septembre 1792 que la République française est une et indivisible. La Convention montagnarde élabore la constitution de l’an I, qui est adoptée le 6 messidor de l’an I (24 juin 1793) et qui ne sera jamais appliquée. Cette constitution inscrit dans son préambule une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui diffère de celle de 1789 (certains droits sont précisés et des droits nouveaux ajoutés).

Après l’instauration de la République va progressivement s’installer un processus de déchristianisation (le terme sera employé par Mirabeau). Il commence avec la Commune de Paris et culmine sous la Terreur (qui correspond approximativement à l’an II de la République : septembre 1793-septembre 1794) : mesures antireligieuses des représentants en mission, massacre des prêtres réfractaires, adoption du calendrier républicain, culte de la Raison. Très rapidement, Robespierre dénonce la politique de déchristianisation soutenue par les hébertistes athés. Il la juge non seulement contraire à la liberté du culte, mais aussi propre à susciter de nouvelles révoltes dans la population. Un décret du 18 floréal de l’an II (7 mai 1794), qui est adopté par la Convention sur proposition de Robespierre, proclame que le Peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et de l’immortalité de l’âme[2].    

La Convention thermidorienne, soucieuse de pacification et de normalisation après la période de la Terreur (mais aussi pour des raisons financières), édicte le 3 ventôse de l’an III (21 février 1795) un décret qui rétablit une véritable séparation entre l’Église et l’État : protection de la liberté de culte ; la République ne salarie, ni n’aide aucun culte ; les cérémonies sont confinées dans les lieux de culte ; aucun signe distinctif de culte ne peut être placé dans un lieu public, ni désigner un lieu de culte ; les communes ne peuvent pas subventionner un culte.

La constitution du 5 fructidor de l’an III (22 août 1795) qui fonde le Directoire, dispose dans son article 354 que « Nul ne peut être empêché, en se conformant aux lois, de pratiquer le culte qu’il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun ». Elle porte en préambule une Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen qui diverge par rapport aux versions de 1789 et 1793.

 


[1] Rapport à l’Assemblée nationale de la mission d’information sur la question du port des signes religieux à l’école (2003)

[2] Voir l’analyse des principaux discours de Robespierre relatifs à l’instauration du culte de l’Etre Suprême dans la thèse de doctorat en théologie de James Damian McDonald (2007), page 58