C’est dans un contexte extrêmement tendu qu’est préparée et adoptée la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’État, qui met fin unilatéralement au concordat de 1801.
Jean Baubérot a parlé au sujet de cette loi « pacte laïque ». Cette analyse est vivement critiquée par de nombreux auteurs qui soulignent qu’il n’y a eu aucune négociation avec les Églises et que si des compromis ont été conclus, ils l’ont été à l’intérieur du camp de la gauche républicaine.
Après la laïcisation de l’école, la laïcisation de la sphère publique a permis aux républicains de construire une citoyenneté civile et politique (un outil d’intégration qui respecte les particularismes) et de contenir des mouvements cléricaux susceptibles de mettre en danger l’existence même de la République. Le lien ainsi créé a été si étroit que Laïcité et République vont être perçues comme indissociables.
Lors de l’élaboration et du vote de la loi du 9 décembre 1905 s’affronteront, au sein même de la gauche, les partisans d’une ligne dure, la laïcité « intégrale » (défendue par Émile Combes) qui combine anticléricalisme et une forme séculière de sacralisation de la République, et les tenants d’une loi d’apaisement, préconisant une laïcité « libérale », pour reprendre un qualificatif utilisé par Aristide Briand. Un premier projet préparé par Émile Combes avait été rejeté par l’Assemblée nationale. Il est alors constitué une commission dont le président est Ferdinand Buisson et le rapporteur A. Briand (voir le rapport qu’il présente le 4 mars 1905). Briand recevra les soutiens de Georges Clémenceau et de Jean Jaurès et sera un artisan majeur de l’adoption d’une ligne de conciliation. Il souhaitait, pour des raisons d’efficacité dans son application, que cette loi ne soit pas « braquée sur l’église comme un révolver ». Dans sa présentation devant l’Assemblée du projet final de loi de séparation, A Briand avait souligné que « la loi que nous avons faite…est finalement, dans son ensemble, une loi libérale….Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou dans le doute sur leur exacte interprétation, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur ».
Lors des débats parlementaires, A. Briand s’était exprimé ainsi : « En ce qui me concerne, je me déclare prêt à faire toutes les concessions nécessaires, celles bien entendu qui n’exigeront pas de capitulation de conscience de ma part, mais je reste plus convaincu que jamais que la séparation doit être faite dans un esprit de libéralisme très net ». Ce qui permet à Paul Bastid d’écrire que Briand « conçoit la séparation comme une œuvre d’apaisement destinée à mettre un terme à des querelles irritantes, dans le respect de la libre constitution des Églises, et qui permettra, cet abcès une fois vidé, de s’attaquer aux réformes sociales. L’État n’est pas intéressé aux luttes confessionnelles. Il n’est ni religieux, ni irréligieux, il est areligieux ».
À côté des partisans de cette approche plutôt libérale des relations entre l’État et les églises, il y avait les tenants d’une ligne dure. Ils estimaient que la loi de 1905 était trop favorable à l’Église catholique. Lors du débat final, le député Jean Bepmale, vice-président de la commission chargée de l’élaboration de la loi de séparation des Églises et de l’État et parlant au nom de 40 députés radicaux socialistes, s’exprimait ainsi : « Nous la voterons parce que nous la considérons comme une loi provisoire…une loi provisoire destinée à marquer une étape nécessaire dans la marche vers la laïcisation intégrale ». Édouard Vaillant avait exprimé une position identique.
La séparation des églises et de l’État n’était pas voulue uniquement par la gauche républicaine. Un courant au sein du catholicisme français l’estimait souhaitable pour éviter un assujettissement de l’Église à l’État. C’est ainsi que Charles de Montalembert (1810-1870), homme politique de droite et théoricien du catholicisme libéral, voulait « laisser les sociétés humaines à l’indépendance de leur destinée temporelle ». Les églises protestantes ont joué un rôle important dans l’acceptation de la loi de 1905.