Ces principes découlent de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 qui affirme que « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte… ». L’article 44 abroge le Concordat de 1801, les Articles organiques de 1802, le Décret impérial du 17 mars 1808 et tous les textes afférents.

Ces dispositions entraînent plusieurs conséquences.

1) L’État n’ignore pas le fait religieux, mais traite de manière identique tous les cultes et n’en favorise aucun.

2) L’État s’abstient d’intervenir en matière de croyance et d’incroyance.

3) En corolaire de cette « privatisation » des affaires internes des religions, l’espace public (celui où s’exerce le pouvoir de la puissance publique), est un espace neutre. Tout ce qui n’est pas neutre relève du domaine privé où s’exerce la liberté de conscience (liberté qui ne peut être restreinte que pour des motifs d’ordre public). Diverses décisions du Conseil d’État ont précisé le contenu pratique de cette neutralité de l’espace public : (i) le citoyen a droit à un égal accès à la fonction publique, sans qu’il soit tenu compte de ses opinions politiques ou religieuses ; les opinions religieuses d’un agent public (ou d’un candidat) exprimées dans sa vie privée ne sont pas incompatibles en tant que telles avec le devoir de neutralité ; caractère indissociable des principes de liberté de conscience et de neutralité de l’État ; le port d’un signe d’appartenance à une religion par un agent public dans l’exercice de ses fonctions est un manquement à ses obligations.

4) Le fait que les choix spirituels ou religieux relèvent du domaine de l’intime ne signifie pas qu’il leur est interdit d’avoir une dimension sociale ou une capacité d’expression publique. La laïcité ne confond pas « la libre expression spirituelle ou religieuse dans l’espace public, légitime au débat démocratique, et l’emprise sur celui-ci qui est illégitime ». L’exercice du culte peut donc être public et donner lieu à des manifestations en dehors des édifices du culte, sous réserve du respect de l’ordre public.

Diverses dispositions de la loi se rattachent à ces principes de neutralité de l’État et de séparation des Églises et de l’État. Elles sont énumérées ci-après.

Il est maintenu une possibilité de financement des aumôneries dans certains établissements publics qui constituent des milieux fermés (lycées, collèges, prisons, etc.).

Les établissements publics (fabriques, menses, conseils presbytéraux, consistoires) créés par le concordat de 1801 et chargés de la gestion des lieux de cultes dont ils étaient affectataires ou propriétaires sont supprimés. Il sera réalisé un double inventaire : celui de leurs biens mobiliers et immobiliers propres ; celui des biens publics dont ces établissements ont la jouissance.

Les biens publics feront retour à l’État. Les édifices qui servent à l’exercice du culte (ou au logement des ministres du culte) et qui sont propriété de l’État, des départements et des communes demeurent dans le domaine public, mais sont laissés gratuitement à la disposition des associations cultuelles.

Les biens propres de ces établissements (et les charges qui leur sont attachées) sont dévolus à des associations cultuelles (article 4) ; ceux qui sont grevés d’une affectation charitable ou d’une affectation étrangère à l’exercice du culte sont transférés à des établissements publics ou d’utilité publique dont les activités sont en rapport.

Cet article 4 qui crée les associations cultuelles est celui qui a donné lieu aux débats les plus intenses, car considéré comme un point capital de la loi (de son application découle la continuité de l’exercice du culte). La volonté d’apaisement voulue par Aristide Briand s’est exprimée plus particulièrement dans les négociations sur cet article. La version initiale (rejetée par la droite) prévoyait que ces biens seraient confiés à des associations de fidèles, sans précision (L’Église catholique y voyait une volonté de l’écarter en tant qu’institution). La version définitive attribue donc ces biens à des associations cultuelles dont le fonctionnement est défini par la loi. Lors de la discussion, le gouvernement a également accepté que soit ajoutée une phrase indiquant que les associations cultuelles devront se conformer aux règles générales du culte dont elles assurent l’exercice. Cette dernière précision a été insuffisante pour rassurer les catholiques (il faudra attendre 1924 pour que la situation soit débloquée avec les accords Poincaré-Briand-Cerretti). La loi fixe les modalités de fonctionnement de ces associations[1] et les soumet à un contrôle public.

Le transfert des biens propres aux associations cultuelles doit être opéré par les établissements publics du culte dans un délai d’un an ; à défaut, il y sera procédé par décret. À l’issue du délai précité, les biens non attribués sont placés sous séquestre.

Des pensions sont prévues pour les ministres du culte en poste, en fonction de leur âge et de leur ancienneté. Les ministres du culte salariés par l’État et n’ayant pas droit à une pension continueront à percevoir de manière dégressive une allocation sur 4 ou 8 ans.

Il est interdit d’apposer des signes ou emblèmes religieux sur les monuments publics.


[1] En définitive, la structure d’association cultuelle ne sera utilisée que par les Églises protestantes ou des mouvements d’implantation plus récente (par exemple, les Témoins de Jéhovah) ; le judaïsme a préféré conserver ses anciennes structures (consistoires) et le catholicisme a choisi l’association diocésaine ; l’islam s’est quant à lui structuré autour d’associations de droit commun (loi de 1901).