Contrairement ce qui se passe avec les cultes protestants et israélites qui acceptent de créer des associations cultuelles, l’adoption de la loi de 1905 va entraîner une période de tension avec l’église catholique. La réalisation des inventaires donne lieu à des affrontements (il y aura un mort).

Le pape Pie X, dans l’encyclique Vehementer Nos du 11 février 1906 : rejette le principe de séparation de l’Église et de l’État ; déclare que l’abrogation du concordat constitue une injure envers la papauté ; rejette le principe des associations cultuelles ; dénonce une entrave à la liberté de l’église et le viol du droit de propriété ; condamne la loi.

Dans l’encyclique Gravissimo Officii Numere du 10 août 1906, il interdit aux catholiques de constituer les associations cultuelles prévues par la loi de 1905.

En mars 1906, G. Clemenceau, nouveau ministre de l’Intérieur, ordonne la suspension des inventaires (il déclare « Quelques chandeliers ne valent pas une révolution »). Le Conseil d’État, dans ses avis des 25 et 31 octobre 1906, considère que des réunions cultuelles publiques tenues en dehors de toute association sont conformes à la loi du 30 juin 1881 sur le droit de réunion.

Du fait de la non-création d’associations cultuelles, l’Église catholique cesse à compter du 1er janvier 1907 de pouvoir utiliser les édifices du culte. Dans un souci de compromis, le gouvernement dirigé par G. Clemenceau fait adopter la loi du 2 janvier 1907 (toujours en vigueur) qui stipule que : (i) État, départements et communes retrouvent à titre définitif la libre disposition des biens non affectés au culte (évêchés, presbytères, séminaires) qui sont leur propriété, dès lors que la jouissance n’en a pas été réclamée par une association cultuelle ; (ii) les biens propriétés des établissements ecclésiastiques qui n’ont pas été réclamés par une association cultuelle sont attribués à titre définitif aux établissements communaux de bienfaisance et d’assistance ; (iii) l’exercice public d’un culte pourra être exercé, en sus des associations cultuelles, par des associations constituées sous la loi du 1er juillet 1901 ou sur des initiatives individuelles prises dans le cadre de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion ; (iv) les assemblées de fidèles pourront se réunir sous réserve d’une déclaration annuelle pour l’ensemble des réunions ; (v) à défaut d’association cultuelle, les édifices et meubles affectés au culte continueront à être laissés à disposition des fidèles et ministres du culte ; cette jouissance sera accordée aux associations cultuelles, aux associations de la loi 1901 ou directement aux ministres. Malgré les ouvertures opérées, la papauté dénonce une « loi de spoliation et de confiscation ».

La loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques supprime l’obligation d’une déclaration préalable (non respectée par l’Église catholique).

Dans le même esprit que le texte du 2 janvier 1907 et avec un contenu de même nature, la loi du 13 avril 1908 modifie la loi du 9 décembre 1905 :

— À défaut d’association cultuelle, les biens propres des établissements publics du culte continuent à être dévolus à des établissements communaux de bienfaisance et d’assistance, mais la loi prévoit diverses exceptions à ce principe ; l’une de ces exceptions est le transfert de la propriété des édifices du culte aux communes (alors que les dispositions antérieures transféraient cette propriété aux associations cultuelles).

— Les modalités de l’action de reprise font l’objet d’une description détaillée.

— L’État, les départements et les communes peuvent prendre en charge l’entretien et la conservation des édifices du culte dont ils acquièrent la propriété au titre de la présente loi. Il ne s’agit pas d’une obligation et le Conseil d’État a précisé les limites de ce financement. Le défaut d’entretien est susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité.

Les édifices du culte dont les collectivités publiques ont acquis la propriété en application des lois de 1905 et 1908 font partie du domaine public. Mais cette possession est grevée d’une obligation légale d’affectation au culte (arrêt du Conseil d’État du 26 juin 1914, Vital Pichon) à caractère perpétuel et qui entraîne diverses limitations de leur droit de propriété. Dans la même logique, le droit de propriété reconnu aux associations cultuelles fait l’objet de diverses restrictions.

Dans les années qui ont suivi l’adoption de la loi de 1905, le Conseil d’État a joué un rôle déterminant pour la mise en œuvre équilibrée d’un régime juridique complexe et souvent né des circonstances[1].

Le Conseil d’État a souligné la nécessité pour les associations cultuelles de respecter les décisions de la hiérarchie de l’Église catholique (arrêts Rougegré et autres du 28 juillet 1911, Abbé Guitton et autres du 14 février 1913, etc.). Il a traité les problèmes nés de la distinction entre propriété et jouissance des édifices cultuels ; il a œuvré sur la conciliation entre pouvoirs de la police administrative et liberté religieuse (sonneries de cloches, cérémonies en dehors des édifices du culte, etc.).

Le délit de congrégation non autorisée cesse en pratique d’être poursuivi en justice à partir de 1910. Une circulaire du 2 août 1914 du ministre de l’Intérieur Louis Malvy demande aux préfets de suspendre toutes les mesures prises en application des lois de 1901 (partie III) et 1904 relatives aux congrégations.

En 1923 les accords Poincaré-Briand-Cerretti permettent de contourner le problème posé par le refus des catholiques de constituer des associations cultuelles. Ces longues négociations débouchent sur la mise au point d’un statut type d’associations diocésaines. Ce modèle a été jugé par le Conseil d’État conforme aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905. La différence majeure entre les associations cultuelles et les associations diocésaines est que les premières ont pour mission d’assurer l’exercice du culte alors que les secondes ont pour simple but de subvenir aux frais et à l’entretien du culte. Il est formellement interdit à l’association diocésaine de s’immiscer dans l’organisation du culte (c’est le risque que voyait la papauté dans les associations cultuelles) ; l’association diocésaine intervient au niveau du diocèse, qui seul a la personnalité juridique (le statut d’association paroissiale n’a pas été retenu lors des négociations entre l’État et le Saint-Siège).

L’accord Poincaré-Briand-Cerretti entraîne en 1924 le rétablissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. L’encyclique Maximam Gravissimamque du 18 janvier 1924 de Pie XI, tout en continuant à condamner le principe de la laïcité, autorise la constitution des associations diocésaines.

Depuis 1924, les relations entre l’État français et le Saint-Siège peuvent être considérées comme normalisées.

 


[1] Le rapport 2004 du Conseil d’État cite le doyen Le Bas qui qualifiait cette juridiction de « régulateur de la vie paroissiale ».