L’école obligatoire et laïque a été pendant des décennies un puissant outil d’intégration des individus dans la Nation et de construction d’un consensus républicain ; grâce à elle, la laïcité est devenue un principe républicain largement partagé par les citoyens. L’école a contribué à créer une articulation entre citoyenneté et laïcité qui donnait un rôle moral à l’État.

Aujourd’hui, cette articulation est affectée par le contexte nouveau dans lequel évolue la société. Ce contexte est caractérisé par ce que le sociologue François Dubet appelle « la désinstitutionnalisation » : les institutions sont menacées de perdre leur capacité de structuration de la société et sont mises en concurrence avec d’autres sources productrices de « sens ». Ce phénomène affecte notamment l’État dont le rôle de producteur de normes et valeurs collectives est remis en cause (perte de crédibilité et effacement de son rôle spirituel).

Cet effacement des repères et cadres sociaux traditionnels rend nécessaire de revivifier l’articulation citoyenneté- laïcité. Plusieurs voies sont proposées. Le philosophe Henri Péna-Ruiz préconise « un véritable travail de réinstitutionnalisation qui doit être mis en œuvre par l’affirmation sans concession et sans complexe de l’idéal laïc »[1]. Pour Jean Baubérot il est nécessaire de franchir « un troisième seuil de la laïcité qui, sans renoncer à l’idéal laïque, doit intégrer de façon empirique les revendications individualistes et identitaires et l’instrumentalisation des institutions ; pour lui l’exemple est fourni par le Québec qui a développé une loi reposant sur « l’accommodement raisonnable » des normes et des pratiques pour faire droit aux aspirations différentialistes tant qu’elles ne remettent pas en cause l’intégration sociale et la participation civique ». Pour le philosophe et historien Marcel Gauchet « le défi de la laïcité est de contribuer à faire renaître le sens de la généralité publique et de l’unité collective en association avec l’exercice de la citoyenneté et de l’auto-production de la société, autrement dit de replacer l’autonomie des individus sous des valeurs communes d’altérité et de solidarité ».

Pour revivifier l’articulation citoyenneté-laïcité et faire en sorte que la laïcité continue à être un « pilier du pacte républicain », il est nécessaire :

— d’effectuer un travail permanent d’information et de transmission sur les principes qu’elle représente ;

— d’agir pour qu’elle soit toujours porteuse de sens dans une société en mutation.


[1] Toutes les citations de cet article sont extraites d’une intervention de Christian Dubois à l’IUFM d’Auvergne, Citoyenneté et laïcité, approches sociologiques