Le problème posé par le port de signes religieux à l’école n’est pas une nouveauté. Sous le Front populaire, le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay avait signé deux circulaires : la première, en date du 31 décembre 1936, interdisait la propagande politique dans les collèges et lycées ; la seconde, en date du 15 mai 1937, interdisait à tous les degrés de l’enseignement public toute forme de prosélytisme religieux.

La question du port du voile islamique à l’école a donné lieu à de vifs débats où se sont affrontées des conceptions différentes de la laïcité, au-delà du clivage politique gauche-droite : (i) pour certains le port du foulard était une instrumentalisation de la religion par des extrémistes, un symbole de l’inégalité des sexes ; il mettait en danger les principes de la laïcité ; il constituait une pression sur des mineurs dont le jugement n’était pas formé ; il portait atteinte à la vocation universaliste de l’école, etc. ; (ii) pour d’autres, au nom de la liberté religieuse, les principes de la laïcité ne pouvaient pas être appliqués aux élèves ; il convenait de mettre en œuvre une laïcité ouverte reconnaissant le droit à la différence ; son interdiction représentait une opposition irréductible à toute pénétration de particularismes culturels dans l’espace public, etc.

Consulté par le gouvernement, le Conseil d’État dans son avis du 27 novembre 1989 considère que la liberté religieuse reconnue aux élèves par la loi et des textes internationaux comporte pour eux « le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires…[Il en résulte que] le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité….Mais que cette liberté ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public…Le port de signes d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires peut, en cas de besoin, faire l'objet d'une réglementation ». Selon le Conseil l’autorisation de port de signes religieux est la règle et son interdiction l’exception.

Une circulaire du 12 décembre 1989 du ministre de l’Éducation nationale (L. Jospin) :

— Se réfère, concernant le port de signes religieux, aux principes développés par le Conseil d’État dans son avis du 27 novembre 1989 et prévoit qu’en cas de conflit un dialogue doit être engagé avec la famille et l’élève. La circulaire prohibe les signes ostentatoires (le caractère ostentatoire pouvant s’apprécier en fonction de l’attitude et des propos des élèves et des parents) et les comportements de prosélytisme. Les vêtements ne doivent pas faire obstacle à l’accomplissement des exercices physiques ou mettre en danger la sécurité et la santé des élèves.

— Précise que la liberté d’expression des élèves ne permet pas de porter atteinte aux activités d’enseignement, au contenu des programmes et à l’obligation d’assiduité des élèves.

— Indique les enseignants sont tenus à une obligation de laïcité (interdiction du port de marques philosophiques, religieuses ou politiques).

Dans une circulaire du 20 septembre 1994, le ministre de l’Éducation nationale (F. Bayrou)  oppose signes discrets et signes ostentatoires et formule pour ces derniers une position plus sévère en considérant que certains signes peuvent être ostentatoires en eux-mêmes et constituer une manifestation de prosélytisme. Le Conseil d’État n’a pas suivi cette orientation (ne lui accordant qu’une simple valeur interprétative) et a continué à s’attacher à la notion de comportement (port ostentatoire d’un signe).