Au début de la III° république, l’école est un enjeu de pouvoir entre catholiques conservateurs et républicains. Pour ces derniers, l’école publique, gratuite, obligatoire et laïque a été un outil de pérennisation de la République et de formation de citoyens libres, non instrumentalisés par le cléricalisme (c’est lui qui est désigné comme l’ennemi et non pas la religion en tant que telle). La nouvelle école remplace la morale religieuse par une instruction morale et civique qui est placée en tête des matières à enseigner ; seront alors publiés de nombreux manuels dont les plus connus sont Éléments d’éducation civique et morale de Gabriel Compeyré et L’instruction civique à l’école de Paul Bert. Les résistances sont nombreuses et donneront notamment lieu à une bataille des manuels scolaires : 4 manuels sont mis à l’Index par le Saint-Siège en 1882 et 14 en 1909.

Pendant cette période l’école est déconfessionnalisée :

— Adoption de nouveaux livres de lecture, dont le célèbre Tour de France de deux enfants.

— Enseignement de nouvelles disciplines (sciences physiques et naturelles, géographie) qui remettent en cause les dogmes religieux.

— Élaboration d’une morale laïque indépendante par le Conseil supérieur de l’instruction publique. Elle n’était pas conçue à l’origine comme un cours spécifique, mais c’est finalement cette option qui a été retenue. L’éducation morale est intégrée dans les programmes[1] (avec une progression selon les différents niveaux de l’école primaire) et dissociée de l’instruction civique. Ferdinand Buisson, Paul Janet et Henri Marion ont été les principaux concepteurs de cette nouvelle morale. L’instruction civique a été complétée par la création de bataillons scolaires prévus par un décret du 6 juillet 1882 pour développer des exercices gymnastiques et militaires (dans un esprit de revanche après la défaite de 1870) ; ces bataillons ont connu un succès mitigé et l’instruction militaire a disparue des programmes en 1895.

— Importance donnée à l’enseignement de l’histoire nationale : une histoire profane et critique articulée sur la Révolution (avant et après 1789) et qui met en avant la continuité de la nation et le rôle du peuple.

La religion demeure cependant toujours présente à l’école. C’est une présence certes diffuse, mais qui se révèle, par exemple, dans l’enseignement de la morale laïque : il est fait référence à des acquis qui ont une base religieuse (circulaire de Jules Ferry du 22 juillet 1882) ; les devoirs envers Dieu sont maintenus dans les programmes du cours moyen (il faudra attendre un arrêté[2] du 23 février 1923 pour qu’ils ne soient plus cités). Le contenu de la circulaire adressée aux instituteurs par Jules Ferry le 17 novembre 1883 illustre une volonté de ne pas heurter les catholiques. Il n’y a aucun déni de Dieu ou de la religion.


[1] JO du 2 août 1882 : « L’enseignement moral est destiné à compléter et à relier, à relever et à ennoblir tous les enseignements de l’école. Tandis que les autres études développent chacune un ordre spécial d’aptitudes et de connaissances utiles, celle-ci tend à développer dans l’homme l’homme lui-même c’est-à-dire un cœur, une intelligence, une conscience. »

[2] Cette suppression est due à une initiative de Paul Lapie, universitaire devenu Directeur de l’enseignement primaire entre 1914 et 1925