Le débat sur l’enseignement du fait religieux redevient d’actualité depuis les années 1980-1990.
En 1982 la Ligue de l’enseignement demande une meilleure prise en compte de l’histoire des religions dans les programmes scolaires, dans une perspective anthropologique et comparée.
En septembre 1989, un rapport L’enseignement de l’histoire des religions produit par le recteur Philippe Joutard note l’inculture religieuse des élèves et souligne que « l'ignorance du religieux risque d'empêcher les esprits contemporains, spécialement ceux qui n’appartiennent à aucune communauté religieuse, d'accéder aux œuvres majeures de notre patrimoine artistique, littéraire et philosophique ». À compter de 1996, les programmes d’histoire accordent une plus grande importance aux religions.
En février 2002, un rapport L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque produit par M. Régis Debray, à la demande du ministre de l’Éducation nationale, relève que l’érosion des anciens vecteurs de transmission (églises, familles, coutumes) reporte cette charge sur le service public d’enseignement. L’histoire des religions pourrait être alors un moyen « de raccorder le court au long terme » et de rétablir des enchaînements ; en conservant à l’esprit que « l’enseignement du religieux n’est pas un enseignement religieux ». Le rapport suggérait de passer « d’une laïcité d’incompétence (le religieux, par construction, ne nous regarde pas) à une laïcité d’intelligence (il est de notre devoir de le comprendre) ». Il proposait également de « faire le partage…entre le religieux comme objet de culture…et le religieux comme objet de culte »[1].
Tant le rapport Joutard que le rapport Debray excluaient la création d’une matière spécialisée pour traiter un sujet qui relève d’une approche pluridisciplinaire ; ces recommandations ont été suivies par le gouvernement. Un décret du 11 juillet 2006 (pris en application de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école) définit le socle commun de connaissances et de compétences. Ce socle commun prévoit, au titre de la culture humaniste, des acquisitions de connaissances (i) sur « la diversité des civilisations, des sociétés, des religions (histoire et aire de diffusion contemporaines) » ; (ii) sur le « fait religieux en France, en Europe et dans le monde, en prenant notamment appui sur des textes fondateurs (en particulier des extraits de la Bible et du Coran), dans un esprit de laïcité respectueux des consciences et des convictions ». En pratique, l’enseignement du fait religieux est enseigné transversalement : (i) par les professeurs des écoles à partir du CM2 dans le primaire ; (ii) par les professeurs d’histoire-géographie, de français, d’arts plastiques ou de philosophie dans le secondaire. Les enseignants peuvent travailler en relation avec l’Institut européen en sciences des religions (IESR) créé en 2002.
Les attaques terroristes de janvier 2015 ont conduit le Président de la République, dans ses vœux au monde éducatif le 21 janvier 2015, à proposer de « porter une attention particulière à l’enseignement laïc du fait religieux ». Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, a annoncé un renforcement de la formation des enseignants aux faits religieux et la mise en place dans tous les établissements de livrets de la laïcité rassemblant les contenus pédagogiques essentiels, des argumentaires juridiques et des liens vers les ressources de formation.
Un rapport du Sénat sur la lutte contre les discriminations (rédigé par M. Jean-René Lecerf et Mme Esther Benbassa) préconisait de faire de l’enseignement du fait religieux une matière à part entière dotée d’un nombre défini d’heures de cours et assurée par des professeurs volontaires. Cette suggestion, qui ne faisait pas l’unanimité, a été supprimée.
Certains auteurs sont réticents à l'utilisation du concept de fait religieux. C'est ainsi que Jean-Loïc Le Quellec, anthropologue, lui reproche d'être "un tour de passe-passe linguistique", qui conduit à privilégier les trois religions monothéistes. Il considère que l'apprentissage de l'histoire des religions "ne fait pas avancer le problème des crispations identitaires" et que le mot religion lui-même a changé de sens à plusieursreprises ; il voit dans ce concept une construction chrétienne récente qui ne peut pas prétendre à l'universalité. Il considère que parler d'un fait religieux valable pour tous, c'est en réalité faire de l'ethnocentrisme et oublier d'autres régions du monde. Selon lui, l'enseignement de la laïcité (qui est une croyance comme les autres) contribue à cet ethnocentrisme ; il vaudrait mieux enseigner dans le primaire et le secondaire l'anthropologie qui, au contraire, propose un décentrement de nos propres croyances.
[1] Un partage qui s’inscrit dans une approche qui veut que, si « la laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence »