La salariée licenciée par la crèche Baby Loup s’était pourvue en cassation en se fondant sur quatre moyens, dont deux font référence aux principes de la laïcité.

Dans le deuxième moyen[1] la plaignante soulève la question du droit que peut avoir un établissement privé d’accueil de la petite enfance qui n’assure pas une mission de service public, d’imposer une règle de neutralité à son personnel.

Par deux arrêts du 19 mars 2013 concernant des affaires similaires (licenciement d’une salariée qui portait un voile islamique couvrant les cheveux en contradiction avec le règlement intérieur de l’employeur), la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé les conditions d’application du principe de neutralité.

 

Dans l’arrêt CPAM de Seine-Saint-Denis, la Cour juge pour la première fois « que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. Si les dispositions du Code du travail ont vocation à s’appliquer aux agents des caisses primaires d’assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public, laquelle leur interdit notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires ».

 

Dans l’arrêt Baby Loup, « s’agissant d’une crèche privée, qui ne peut dès lors, en dépit de sa mission d’intérêt général, être considérée comme une personne privée gérant un service public, la Cour de cassation rappelle que le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Le principe de laïcité ne peut dès lors être invoqué pour priver ces salariés de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail. »

Dans ce dernier arrêt, la Cour de cassation:

— Rappelle que l’obligation de laïcité s’applique uniquement aux services publics et non aux simples services d’intérêt général (catégorie dans laquelle entre l’accueil de la petite enfance assuré par la crèche) ;

— Expose « qu’en l’absence de prérogatives de puissance publique, une personne privée ne peut être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public que lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission….en se fondant uniquement sur l’octroi de fonds publics à l’Association Baby-Loup et la nature de son activité (crèche)….[il n’est pas possible de considérer] qu’elle assurait une mission de service public et ainsi valider les dispositions du règlement intérieur soumettant le personnel de cet organisme privé, à l’instar des agents publics, aux principes de laïcité et de neutralité ».

La Cour de cassation donne raison à la plaignante et juge que son licenciement était illégal ; elle casse l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Paris. Le feuilleton juridique n’est donc pas terminé. Mais il va se déplacer sur un autre questionnement : les limites de la liberté religieuse dans les entreprises.

 


[1] Le troisième moyen traite des limites de la liberté religieuse dans les entreprises