Saisie par la salariée licenciée, la Cour de cassation, réunie en chambre plénière le 25 juin 2014, a déjugé l’arrêt qui avait été pris par sa chambre sociale le 19 mars 2013chambre sociale le 19 mars 2013. Elle a considéré, suivant en cela le jugement de la Cour d’appel de Paris du 27 novembre 2013, que le licenciement de la salariée de la crèche Baby Loup était justifié.
La Cour a suivi l’avis formulé le 16 juin 2014 par son procureur général. Elle a considéré qu’une entreprise, ainsi que prévu par le Code du travail, peut restreindre la liberté religieuse de ses salariés en raison de la nature de la tâche exercée, et à condition que ces limitations soient proportionnées au but recherché. La Cour s’est fondée sur le règlement intérieur de 2003 de la crèche qui précisait que le principe de liberté de conscience et de religion ne pouvait pas faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité s’appliquant à l’ensemble des activités de la crèche. La Cour a jugé que cette restriction ne contrevenait pas aux dispositions du Code du travail. Le procureur général de la Cour avait estimé dans son avis que la protection de liberté de conscience des jeunes enfants et le respect du droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions personnelles suffisaient à fonder les restrictions apportées à la liberté des salariés de la crèche. Il avait considéré que « le port du voile dans une crèche présente un risque certain de pression sur autrui ».
La Cour lie sa décision aux spécificités de la Crèche Baby Loup, « une association de dimension réduite employant seulement 18 salariés qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents ». Compte tenu de la formulation adoptée par la Cour, il n’est pas possible de considérer que sa décision est extrapolable à toutes les entreprises privées. L’audience a montré que l’accent a été moins mis sur le principe de neutralité religieuse dans les entreprises privées (cas des audiences antérieures) que sur la nécessité de protection des personnes vulnérables.
Contrairement à ce qu’avait retenu la Cour d’appel de Paris, la Cour de cassation a estimé que la crèche n’était pas une entreprise de conviction (de tendance). Elle considère que cette qualification ne concerne que les entreprises ayant pour objet de défendre des convictions politiques, religieuses ou philosophiques. Elle souligne que l’objet de la crèche est autre : un accompagnement de la petite enfance dans un milieu défavorisé et l’insertion sociale et professionnelle des femmes, sans distinction d’opinion politique ou confessionnelle.
La décision de la Cour de cassation ne met pas un point final à cette affaire, puisque la salariée licenciée peut introduire un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).