Dans son avis du 12 novembre 2013 sur Le fait religieux en entreprise, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) constate que : (i) le Code du travail est imprécis sur les limites de la libre manifestation des croyances dans l’entreprise ; (ii) la frontière entre secteur privé régi par le principe de la liberté religieuse et secteur public soumis au principe de neutralité n’est pas toujours facile à déterminer (notamment pour les entreprises privées chargées d’une mission d’intérêt général) ; (iii) le débat sur les entreprises dites de tendance[1] semble rester ouvert alors même que la Cour de cassation fait une utilisation restrictive du concept ; (iv) des interrogations existent sur la capacité juridique d’un simple règlement intérieur d’entreprise à encadrer une liberté aussi fondamentale que la liberté religieuse ; (v) le management fait état d’une augmentation des difficultés liées au fait religieux dans les entreprises, mais il apparaît aussi que la majorité des problèmes trouve une solution en interne ; (vi) il convient cependant de ne pas sous-estimer les difficultés (complexité des règles, diversité des stratégies des entreprises – du déni à la complaisance, insuffisance de formation des managers).

Le CESE « rejette toute interprétation du principe de laïcité qui tendrait à restreindre une liberté fondamentale ». Contrairement à la commission Stasi, il ne propose pas de modifier le cadre légal actuel et fait les recommandations suivantes : (i) améliorer l’accès au droit des employeurs et salariés (circulaire du ministère du Travail) ; (ii) diffuser le calendrier des fêtes religieuses des différentes confessions ; (iii) traiter le problème des structures privées du secteur social, médicosocial ou de la petite enfance qui assument une mission d’intérêt général et ne peuvent pas appliquer une règle de neutralité ; le CESE écarte la voie législative préconisée par le Haut Conseil à l’intégration (HCI, qui n’a plus d’activités depuis le 24 décembre 2012, faute de nomination des membres de son collège) dans son avis du 1er septembre 2011avis du 1er septembre 2011 (trop générale et risques d’inconstitutionnalité) ; il constate aussi que le statut d’entreprise de tendance n’est juridiquement pas applicable en France ; (iv) renforcer la mission de médiation du Défenseur des droits en matière de lutte contre les discriminations, y inclus les discriminations religieuses ; (v) utiliser toutes les possibilités offertes par les structures de dialogue social du monde du travail ; (vi) former les manageurs et les représentants des salariés à la question du fait religieux ; diffuser et mutualiser les bonnes pratiques entre les entreprises.

 


[1] Selon cette notion empruntée au droit allemand, c’est une entreprise qui défend des principes idéologiques, religieux ou philosophiques et où les convictions du salarié constituent « une partie essentielle et déterminante du contrat de travail » (par exemple partis politiques, syndicats, établissements confessionnels d’enseignement)