Saisie par la salariée licenciée par la crèche Baby Loup, la Cour de cassation, dans son arrêt du 19 mars 2013, casse l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 27 octobre 2011 et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Paris
Lors de l’audience solennelle du 17 octobre 2013, le Procureur Général développe notamment l’argumentation suivante :
— « L’interdiction du port du voile sur le lieu de travail ne constitue pas en soi une atteinte au « noyau dur » de la liberté de religion, mais la restriction d’une manifestation extérieure d’appartenance à une religion ».
— La nécessité de protéger de jeunes enfants « particulièrement influençables » fait que l’interdiction de porter le voile est justifiée par la nature des tâches.
— « Il existe des entreprises de tendance religieuse, mais aussi des entreprises de tendance laïque » ; catégorie à laquelle appartient la crèche.
— La nécessité de respecter une neutralité « relève d’un intérêt collectif supérieur….plus impérieux encore dans un environnement multiconfessionnel et dans un secteur d’activité caractérisé par un déficit d’offre publique ».
Les arguments du Procureur général sont largement repris dans l’arrêt de la cour d’appel du 27 novembre 2013, dont les principales dispositions sont les suivantes :
La Cour considère qu’une personne morale de droit privé qui assure une mission d’intérêt général peut constituer une entreprise de conviction (de tendance) au sens de la jurisprudence européenne et se doter d’un règlement intérieur qui prévoit une obligation de neutralité entraînant l’interdiction du port de tout signe religieux ostentatoire.
La Cour estime que la crèche Baby Loup peut être considérée comme une entreprise de conviction en mesure d’exiger la neutralité de ses employés, en se fondant sur les éléments suivants :
— aux termes de ses statuts, la crèche agit « sans distinction d’opinion politique ou confessionnelle » et elle exerce des missions d’intérêt général ;
— les obligations qui pèsent sur les activités de la crèche dans un environnement multiconfessionnel (respecter la liberté de conscience à construire pour chaque enfant et respecter la pluralité des options religieuses des femmes qu’elle prend en charge) font que « ces missions peuvent être accomplies par une entreprise soucieuse d’imposer à son personnel un principe de neutralité pour transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s’adresse ».
La Cour considère que : (i) la volonté de la crèche d’obtenir de ses salariés une neutralité religieuse ressort clairement de ses statuts et de son règlement intérieur ; (ii) les limitations imposées n’ont pas un caractère général (elles sont limitées aux activités d’éveil et d’accompagnement des enfants), sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et sont proportionnées au but recherché. (iii) ces limitations ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales, dont la liberté religieuse et ne sont pas discriminatoires au sens du Code du travail.
La Cour considère que le comportement de la salariée après la notification de sa mise à pied, alors même que cette décision était licite, constitue une faute grave qui justifie son licenciement. Ce jugement va à l’encontre de l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2013 qui avait considéré que ce licenciement était illégal.
La salariée licenciée par la crèche Baby Loup se pourvoit en cassation contre la décision de la Cour d’appel de Paris.