Une confusion doit être évitée entre sphère publique (l’espace public) telle que définie ci-dessus et les lieux où se rencontrent les personnes qui forment le public. Il s’agit : (i) des voies publiques ; (ii) des lieux ouverts au public dont l’accès est libre ou dont l’accès est soumis à une condition, dès lors que toute personne qui le souhaite peut remplir cette condition (payer une place de cinéma par exemple) ; à titre d’exemple, il est possible d’énumérer comme faisant partie de cette dernière catégorie : les théâtres, les commerces (restaurants, magasins), les établissements bancaires, les transports en commun urbains, maritimes, ferroviaires ou aériens, etc.
Le Haut Conseil à l’Intégration (HCI, qui n’a plus d’activités depuis le 24 décembre 2012, faute de nomination des membres de son collège), dans son Avis relatif à l’expression des religions dans les espaces publics émis en mars 2010, proposait de nommer « espace civil » ces « espaces partagés sous le regard public » que sont le domaine public de circulation et les entreprises privées ouvertes au public et aux usagers. Dans son avis Expression religieuse et laïcité en entreprise du 1er septembre 2011, il utilise une autre terminologie et parle « d’espace social ».
Pour le HCI c’est un lieu « où s’exercent pleinement les libertés publiques, mais dans les limites de l’exercice des libertés d’autrui et du respect de l’ordre public ».
Dans cet « espace civil ou social» l’État demeure le garant de la liberté de conscience et joue d’une certaine manière un rôle d’arbitre dans un milieu libre d’accès où opère ce que Paul Ricœur appelle « une laïcité de confrontation ». La philosophe Catherine Kintzler explique bien cette différence : « C’est précisément parce que l’espace de l’autorité publique fondateur des libertés est rigoureusement laïque que l’espace civil ouvert au public et l’espace privé, où elles s’exercent, n’ont pas à être laïques, mais simplement tolérants. La tolérance qui règne dans la société civile a pour condition et pour garantie la laïcité à laquelle se soumet l’espace de l’autorité publique. Autrement dit, le régime de laïcité articule le principe de laïcité avec le principe de tolérance ».