Une mission de l’Assemblée nationale créée pour étudier la pratique du port du voile intégral (burqa ou niqab) sur le territoire national avait rendu son rapport d’information en janvier 2010. La mission cite une étude du ministère de l’Intérieur selon laquelle 1900 femmes étaient concernées, dont les 2/3 étaient de nationalité française. La mission avait estimé cette pratique incompatible avec les valeurs fondamentales de la République, sans pour autant proposer la rédaction d’une loi (il existait des positions divergentes sur ce dernier point).
Le Premier ministre avait demandé au Conseil d’État (CE) une étude sur les possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral, remise en mars 2010. Le CE avait estimé qu’une interdiction générale serait « très fragile juridiquement » (parce que mettant en œuvre une conception de l’ordre public qui n’existe pas en France et qui serait probablement contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme). Le CE, avec une volonté de préservation des libertés individuelles, ne voyait la possibilité d’interdictions partielles et circonstanciées du port du voile intégral que dans le cadre d’une double exigence de protection de la sécurité publique et de lutte contre les fraudes (incriminant le voile intégral non pas en tant que signe religieux, mais en tant que vêtement dissimulant le visage). Le CE avait proposé comme champ possible d’interdiction (en lien avec des objectifs de sécurité publique et de lutte contre les fraudes), les lieux ouverts au public et les lieux privés exposés à des risques particuliers (bijouteries, banques, rencontres sportives) ; des dérogations pouvaient être prévues pour la protection de la santé, des manifestations liées à des coutumes locales ou les lieux de culte.
L’Assemblée nationale avait voté à l’unanimité le 11 mai 2010 une résolution sur l’attachement au respect des valeurs républicaines, face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte. Cette résolution : (i) considérait que « les pratiques radicales attentatoires à la dignité et à l’égalité entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles le port d’un voile intégral, sont contraires aux valeurs de la République » ; (ii) affirmait que l’exercice de la liberté d’expression, d’opinion ou de croyance ne saurait être revendiquée par quiconque afin de s’affranchir des règles communes au mépris des valeurs, des droits et des devoirs qui fondent la société.