La loi a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2010-163 du 7 octobre 2010. Il avait été saisi par les Présidents des deux assemblées d’une demande de contrôle général, sans que soit évoqué un motif spécifique d’inconstitutionnalité). Le Conseil a cependant émis une réserve d’interprétation en estimant que la loi ne doit pas « restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public ».

Dans le commentaire du Conseil sur la décision qu’il a prise, il est précisé qu’a été opéré un contrôle de proportionnalité pour vérifier un équilibre entre des principes constitutionnels contradictoires. Le débat parlementaire avait évoqué ces « deux plateaux de la balance » : d’un côté la liberté religieuse, la liberté d’expression, etc. ; de l’autre la laïcité, l’égalité homme femme, la sécurité publique, etc.

Dans sa décision, le Conseil ne s’est cependant pas référé ni à la liberté d’expression, ni au respect de la vie privée, ni à la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni au principe de laïcité. Il s’est fondé sur :

— l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui…. » ;

— son article 5 : « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société… » ;

— son article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » ;

— le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » ;

— l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.

Ces références ainsi que la recherche des intentions du législateur à laquelle le Conseil s’est livré, sont éclairantes sur les deux fondements de la loi :

— le premier est d’ordre public : la dissimulation du visage peut constituer un danger pour la sécurité publique et « méconnaît les exigences minimales de vie en société » (selon une circulaire du Premier ministre « la république se vit à visage découvert ») ;

— le deuxième fondement est la liberté et l’égalité des femmes par rapport aux hommes ; le Conseil Constitutionnel a estimé que la dissimulation du visage met les femmes dans une position « d’exclusion et d’infériorité, contraire aux principes constitutionnels de liberté et d’égalité ».

Il apparaît qu’en se fondant sur les « exigences minimales de la vie en société » le Conseil Constitutionnel utilise le concept d’un ordre public  immatériel[1] (ou sociétal), déjà reconnu par le Conseil d’État ; la référence au seul ordre public matériel étant insuffisante pour justifier une interdiction générale de la dissimulation du visage dans l’espace public.


[1] L’ordre public matériel se réfère à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. L’ordre public immatériel se réfère à la moralité publique ou au « socle minimal d’exigences réciproques et de garanties essentielles de la vie en société qui, comme le respect du pluralisme, sont à ce point fondamentales qu'elles conditionnent l'exercice des autres libertés, et qu'elles imposent d'écarter, si nécessaire, les effets de certains actes guidés par la volonté individuelle » (définition donnée par le Conseil d’État dans son étude de mars 2010).