Le Premier Ministre à confié le 20 juin 2014 à deux députés (MM Alain Claeys et Jean Leonetti) la mission de préparer un texte de loi sur la fin de vie. L’approche de l’examen du projet par l’Assemblée Nationale avait suscité plusieurs prises de position divergentes. C’est ainsi que le journal Le Monde a publié dans son édition du mardi 10 mars 2015 :

-          Une tribune signée par les représentants des trois grandes traditions religieuses monothéistes[1]. Les signataires considèrent que le contexte actuel ne se prêtait pas à un débat serein. Ils lancent un appel pour qu’une éventuelle nouvelle loi « aide à vivre et à mourir sans jamais écourter la vie, sans jamais décider de donner la mort…sans l’avouer, en abusant de la sédation…l’usage de cette technique est dénaturé dès qu’il s’agit non plus de soulager le patient, mais de provoquer sa mort…nous demandons que soit encouragé l’accompagnement des personnes en fin de vie, tout en garantissant qu’elles soient clairement protégées par l’interdit de tuer ».

-          Une tribune signée par les présidents successifs de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs depuis 1993[2]. Les signataires estiment que la sédation profonde et continue prévue par le projet ne peut être « pas être assimilée à un acte qui viserait à provoquer ou à accélérer le décès…[et qu’elle] n’est qu’un des modes d’utilisation des traitements à visée sédative…mais [qu’une] telle démarche législative ne résoudra pas les conditions indignes de fin de vie de certaines personnes, si elle n’est pas accompagnée d’une véritable politique d’accompagnement ». Ils considèrent que le projet a su trouver une position équilibrée susceptible de faire consensus.

-          Une tribune signée par plusieurs professeurs de médecine qui considèrent que la sédation profonde et continue et le caractère contraignant des directives anticipées « menacent la relation de confiance entre soignants et soignés ». Ils considèrent que présenter cette sédation comme un nouveau droit est un « artifice…c’est une façon de promouvoir l’administration de la mort sous anesthésie générale…sous la pression économique ou sociale, l’étiquetage fin de vie pourrait encourager des protocoles de sédation visant le décès…si le texte de loi ne précise pas qu’il faut écarter toute intention de provoquer la mort, il servira de prétexte à des revendications euthanasiques…l’interdit de tuer pose une limite fondamentale pour toute pratique médicale ».

Le rapport de présentation de la proposition de loi rédigé par les deux parlementaires dresse le constat d’une non application des lois antérieures. Ce qui se traduit par : des inégalités des citoyens face à la mort liées aux conditions d’accès aux soins palliatifs ; une formation insuffisante des médecins aux soins palliatifs ; un cloisonnement entre soins palliatifs et soins curatifs qui constitue un problème majeur ; la persistance en France du mal mourir (non prise en charge de la douleur ; obstination déraisonnable, notamment dans les EHPAD ; mort aux urgences).

Le projet de loi élaboré par les deux députés a été adopté le 27 janvier 2016. Ce texte, qui répond aux souhaits des citoyens de disposer de leur vie jusqu’à son ultime moment, conduit à la reconnaissance de nouveaux droits :

-          toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée ;

-          les traitements (incluant la nutrition et l’hydratation artificielle[3]) ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable lorsqu’ils paraissent inutiles ou disproportionnés (ayant pour seul effet le maintien artificiel de la vie) ;

-          toute personne a le droit de recevoir des traitements visant à soulager sa souffrance ; le médecin est tenu de mettre en place des traitements antalgiques et sédatifs pour répondre à une souffrance réfractaire en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir pour effet d’abréger la vie ;

-          directives anticipées : leur contenu sera fixé par décret en Conseil d’Etat ; elles s’imposent au médecin sauf dans les cas prévus par la loi (en cas d’urgence vitale, pendant la période d’évaluation de la situation ou si les directives apparaissent manifestement inappropriées) ; elles n’ont pas une durée de validité limitée et demeurent modifiables à tout moment ; à défaut de directives anticipées, le médecin doit recourir à la personne de confiance que le patient aura désigné ou à la famille ou à des proches ; l’existence de directives anticipées est mentionnée sur la carte vitale ;

-          toute personne a le droit de refuser ou d’interrompre un traitement, sans que le corps médical insiste pour qu’elle les poursuive ; dans ces cas, le malade doit recevoir un accompagnement palliatif ;

-          si un patient conscient demande l’arrêt du traitement, il a droit à une sédation (provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès et mise en œuvre selon une procédure collégiale) pour accompagner cet arrêt, dans les cas suivants : (i) quand il a une maladie grave et incurable où son pronostic vital est engagé à court terme (phase terminale) et qu’il présente une souffrance réfractaire au traitement ; (ii) quand la décision d’arrêt de traitement d’un malade atteint d’une maladie grave et incurable engage son pronostic vital à court terme (phase terminale) ;

-          le droit à sédation est également prévu pour un patient hors d’état d’exprimer sa volonté et qui se trouve dans une situation d’obstination déraisonnable ;

-          la sédation doit s’accompagner de l’arrêt de tout traitement thérapeutique (y inclus la nutrition et l’hydratation artificielles)


[1] Philippe Barbarin, cardinale-archevêque de Lyon ; François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France ; Mgr Emmanuel, président de l’assemblée des évêques orthodoxes de France : Haïm Korsia, grand rabbin de France ; Mohammed Moussaoui, président de l’Union des mosquées de France

[2] Michel Salamagne, Gilbert Desfosses, Daniel d’Hérouville, Régis Aubry, Bernard Devalois, Godefroy Hirsh, Anne Richard et Vincent Morel.

[3] Dans une décision du 24 juin 2014, le Conseil d’Etat a statué que ces actes constituaient effectivement des soins)