À ses origines, la sociologie des religions pensait que le développement de la sécularisation entraînerait un déclin du religieux. Elle reconnaît s’être trompée et constate que la religion continue à jouer un rôle important dans le monde moderne.

Joël Morlet[1], enseignant de sociologie à l’Institut Catholique de Paris, souligne qu’aujourd’hui la conviction de la majorité des sociologues est que « le religieux se porte bien, mais que ce sont les institutions religieuses qui sont en difficultés ». Il voit les causes d’une telle situation dans :

— une sécularisation qui affecte : la société : modification des relations entre religion et politique (« les institutions religieuses perdent leur pouvoir sur les différents domaines de l’activité humaine ») ; les individus (« les institutions religieuses ont moins d’autorité pour réguler les comportements de leurs adeptes ») ; les Églises elles-mêmes ;

— l’individualisation de la croyance : l’individu s’autonomise ; ce que le sociologue Yves Lambert traduit par la formule « développement du hors-piste et de la randonnée ».

Joël Morlet constate que, malgré ces processus, la religion conserve un rôle dans l’espace public. Il fait référence, entre autres, au fait que « le besoin de célébrer et de ritualiser certains évènements publics au travers d’une cérémonie conduit souvent, et particulièrement dans les cas dramatiques, à faire appel aux institutions religieuses ».

Peter Berger estime que la sécularisation a plus affecté les structures sociales que les consciences et pense que ce qui domine aujourd’hui c’est moins la sécularisation que la contre-sécularisation (protestantisme évangélique et islam).

Jean Baubérot[2], quant à lui, ne récuse pas l’existence de ces mouvements, mais considère que la sécularisation est toujours d’actualité et que la contre-sécularisation en est une composante. Il écrit qu’on « est passé d’un mouvement sécularisateur à une situation de sécularisation établie ». Ce qui signifie que la réussite même de la sécularisation met en évidence des problèmes qui se voyaient moins auparavant.


[1] Après la sécularisation une Europe chrétienne ?, Conférence donnée au Colloque européen des paroisses, Portugal, 2007

[2] La sécularisation de l’islam et la recherche d’un nouveau pacte laïque en France, Actes de l’Université d’été, Paris, 18-30 août 2002