Dans la comparaison entre la pratique française de la laïcité et la pratique des autres pays européens, c’est la mise en œuvre du principe de séparation entre l’Etat et les Eglises qui est probablement la plus clivante.

La question de l’existence d’une laïcité européenne polymorphe peut en définitive être ramenée à une interrogation sur la compatibilité entre les principes de la laïcité française et les divers modes de relations Etats-Eglises qui existent en Europe ? N’y a-t-il pas un usage abusif du terme laïcité quand il est appliqué à certaines formes de dissociation entre pouvoir politique et religions ?

Jean-Paul Scot[1], pose cette question de la séparation des Églises et de l’État dans les termes suivants : « La laïcité exige-t-elle la séparation [modèle français] ou la simple autonomie [modèle européen] du politique et du religieux ? Entre la séparation et l’autonomie, y a-t-il une simple différence de degré, de position du curseur, ou y a-t-il une différence de domaines, de registre, de nature ? ».

Il existe incontestablement des convergences entre pays européens en matière religieuse : (i) la reconnaissance de la liberté de pensée, de conscience et le droit de manifester sa religion ou sa conviction ; (ii)  une égalité (relative) de droits ; (iii) une séparation du spirituel et du temporel quant au fondement de l’ordre institutionnel (démocratie).

Cependant, la laïcité n’est pas réductible à ces convergences, quand bien même les principes qu’elles traduisent en sont des composants. Il y a dans la laïcité une autre dimension, d’autres principes, qui ne sont pas pris en compte quand l’État n’est pas neutre ou qu’il n’existe pas une séparation entre l’État et les Églises.

Promouvoir une laïcité de collaboration revient à effacer ces principes qui ont vocation à être universels (selon le point de vue français), au bénéfice de dogmes religieux. La séparation des Églises et de l’État se situe dans un autre registre que la simple autonomie. Sans séparation il n’y a pas de laïcité. « La laïcité doit impérativement rester le fondement de la société et de l’État et non pas se réduire jusqu’à en devenir simplement l’une des composantes idéologiques. Elle n’est pas l’un des éléments, parmi d’autres, du pluralisme social et religieux, elle en constitue la garantie et en détermine les limites, qui ne peuvent trouver de justification que dans la sauvegarde d’une permanence de l’unité politique de la nation[2] ».


[1] Colloque Europe et laïcité de Nice, 8-9 décembre 2011

[2] Jean Michel Ducompte, président de la Ligue de l’enseignement