Il est intéressant de mettre en parallèle les points de vue exprimés sur la séparation des Églises et de l’État, avec 100 ans d’écart, par un auteur catholique contemporain et un des pères de la loi de 1905.

François Becker (auteur catholique contemporain), s’exprimant au nom du G3I[1] lors d’une conférence-débat[2] devant le parlement européen, avait défini ainsi ce que devrait être l’autonomie du religieux et du politique dans une Europe laïque :

« 1) [Elle] implique la séparation institutionnelle et juridique et non la simple distinction du politique et du religieux.

2) [Elle] ne justifie pas en droit l’existence de deux pouvoirs concurrentiels ou appelés à collaborer, à savoir le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, car il n’y a de pouvoir que le pouvoir politique de l’État démocratique, seul légitimé pour faire les lois. L’autorité des responsables religieux ne s’exerce en effet que sur les croyants qui y adhèrent librement. Cette autorité ne peut donc pas imposer à tous les citoyens et citoyennes d’Europe des règles ou des valeurs morales qui ne concernent que ses croyants.

3) [Elle] exprime donc le caractère privé de la religion qui ne doit pas interférer avec la sphère publique. Cela ne veut pas dire que la religion ne puisse se vivre ni s’exprimer dans les espaces publics…, bien au contraire, car les religions ont souvent une dimension sociale. Ce caractère privé de la religion veut dire que toute expression et toute manifestation religieuse, même publique ou dans l’espace public, n’engage que les personnes qui l’expriment et celles qui y adhèrent librement, mais n’engage ni les autres, ni l’État, ni le monde politique.

4) [Elle] implique de ce fait que l’État ne délègue pas aux autorités religieuses ce qui relève de sa responsabilité (notamment le maintien de l’ordre et la justice). Aucun citoyen, aucune citoyenne, ne doit en effet voir son identité réduite à sa religion, pire encore à sa religion supposée. »

Ferdinand Buisson s’exprimait à l’identique en considérant que « la laïcité intégrale de l’État consiste à séparer les Églises de l’État, non pas sous la forme d’un partage d’attribution entre deux puissances traitant d’égal à égal, mais en garantissant aux opinions religieuses les mêmes libertés qu’à toutes les opinions…[en conséquence, l’État laïque doit être] neutre entre tous les cultes, indépendant de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique ».


[1] Groupe de travail réunissant des personnes de nationalités, cultures, religions et convictions philosophiques diverses

[2] La laïcité de l’Union européenne, Bruxelles, 3 mars 2009