Selon la Constitution de 2008 : la religion dominante est celle de l’Église orthodoxe orientale du Christ. Le terme dominant signifie que : (i) le dogme orthodoxe constitue la religion officielle du pays ; (ii) l’Église qui exprime ce dogme est une collectivité de droit public ; (iii) l’État lui porte un intérêt particulier et elle bénéficie d’avantages spécifiques, sans qu’il y ait contradiction avec le principe constitutionnel d’égalité (les fidèles de n’importe quelle confession sont traités de manière identique). L’Église orthodoxe est indissolublement liée au Patriarcat de Constantinople et à toute autre église chrétienne du même dogme ; elle observe les Saints-Canons (des six synodes œcuméniques de 325 à 787) ; elle est autocéphale, dirigée par le Saint-Synode (et son émanation le Saint-Synode permanent) et son autonomie administrative est garantie par une référence à des lois antérieures à la Constitution ; le texte des Saintes Écritures est inaltérable (sa traduction dans une autre langue sans l’approbation de l’Église de Grèce et de l’Église de Constantinople est interdite).

La Constitution prévoit la liberté de conscience religieuse ; la liberté de culte est soumise aux restrictions classiques, auxquelles s’ajoute le fait que la religion en question doit être « connue » (ne pas être secrète).

La Constitution interdit le prosélytisme religieux (le ministère de la Justice a précisé que cette interdiction visait le « prosélytisme de mauvais aloi » dans un but de protection du pays contre « toute religion dangereuse », et non pas la simple diffusion des convictions religieuses).

Avant sa prise de fonctions, le Président de la République prête serment au nom de la Trinité Sainte, consubstantielle et indivisible ; il en est de même pour les députés (les députés qui appartiennent à une autre religion prêtent le serment avec une formule adaptée à leur propre dogme).

La religion orthodoxe occupait déjà dans le passé[1] une position dominante. Elle le reste après l’indépendance, dans le cadre du système de « la souveraineté du droit étatique » (c’est l’État qui règle par la loi la gestion administrative de l’Église) qui est établi en 1833. Elle apparaît encore aujourd’hui, malgré l’abandon de ce système, fortement liée à l’identité grecque. Par exemple, ce n’est qu’en 2001, que le gouvernement a aboli une loi de 1993 qui rendait obligatoire l’inscription de l’appartenance religieuse sur la carte d’identité. (les religions non orthodoxes « connues » étaient considérées comme des « cultes étrangers » et le Code pénal les désignaient comme « tolérées »).  

Deux religions bénéficient d’un statut de droit public

L’Église orthodoxe est régie par les dispositions précitées de la Constitution et par une Charte statutaire votée par le Parlement en 1977 et qui a valeur de loi d’État (une loi spécifique régit l’île de Crète[2]). L’État n’est plus officiellement en droit de s’immiscer dans les affaires internes de l’Église orthodoxe (l’Église bénéficie d’un droit d’auto-organisation et les relations sont devenues plus des relations de coopération que des rapports de soumission de l’une par rapport à l’autre). Mais, le statut de droit public fait que certaines décisions des autorités ecclésiastiques constituent des actes administratifs soumis au contrôle du ministère de l’Éducation nationale et des affaires religieuses : il s’agit par exemple, de la nomination de l’Archevêque d’Athènes et des métropolites qui doit être ratifiée par un décret du Président de la République ou de la présence de fonctionnaires laïques dans des organismes de l’Église. L’État paye la formation, le salaire et les retraites du personnel ecclésiastique (y inclus les laïques) ; il autorise la construction et le financement des lieux de culte. L’État contribue au financement de l’Église par des subventions directes et indirectes (exonérations d’impôts). Des représentants de l’Église orthodoxe sont membres de commissions officielles (par exemple, le Conseil de protection sociale). Les membres du clergé sont exemptés de service militaire (cette disposition s’applique également aux ministres des cultes connus).

Les musulmans de la Thrace occidentale disposent d’un statut particulier instauré à leur bénéfice (en tant que « populations non échangées ») par le traité de Lausanne de 1923, qui a mis fin à la guerre entre la Grèce et la Turquie. Le gouvernement nomme et rémunère trois muftis qui ont le statut de fonctionnaire et qui sont habilités par diverses lois à appliquer en première instance le droit islamique de la famille. Depuis 2007 le gouvernement salarie les imams de cette région (à l’identique de ce qui advient pour les prêtres orthodoxes). Le traité autorise également les musulmans à maintenir des wakfs (biens de mainmorte).

La Constitution garantit un régime spécifique pour le mont Athos : c’est un territoire auto administré qui demeure sous la souveraineté grecque ; il relève directement, sur le plan canonique du Patriarcat de Constantinople ; toutes les personnes qui y mènent une vie monastique acquièrent sans formalité la nationalité grecque ; l’administration est exercée par des représentants des vingt monastères, réunis en Sainte Communauté ; l’installation d’hétérodoxes ou de schismatiques est interdite ; la Charte statutaire qui régit le fonctionnement du mont Athos est votée par les monastères, mais doit être ratifiée par le Patriarche et la Chambre des députés ; ce fonctionnement est placé sous la surveillance du Patriarche sur le plan spirituel et de l’État (représenté par un gouverneur).

À côté des deux confessions qui bénéficient d’un statut de droit public existent les minorités religieuses « connues », dont l’existence est fondée sur le principe de liberté de religion inscrit dans la Constitution. Ces communautés (chrétiens non orthodoxes et orthodoxes qui suivent le calendrier julien) ont un statut de droit privé et sont régies par les dispositions du Code civil relatives aux associations. Ce statut leur interdit d’être représentées dans un tribunal en tant qu’entités religieuses ou d’hériter d’un bien (sauf à créer une personne légale spécifique). L’ouverture d’un lieu de culte est subordonnée à une autorisation délivrée par le ministère de l’Éducation nationale et des affaires religieuses (depuis 2006, le ministre n’est plus tenu de prendre en compte l’avis de l’évêque orthodoxe local).

La religion israélite est régie par diverses lois. Dans les villes comptant plus de 5 familles, une paroisse (qui a un statut de droit public) peut être créée par décret du Président de la République ; le rabbin est également nommé par décret.

Aux termes de la Constitution, l’enseignement a pour objectif « le développement d’une conscience nationale et religieuse… » ; c’est ainsi qu’un cours religieux obligatoire (fondé sur l’orthodoxie) est délivré à tous les niveaux du primaire (par les instituteurs) et du secondaire (par des diplômés en théologie) ; les enseignants sont des fonctionnaires rémunérés par l’État. Une loi de 1985 exige le respect de la norme orthodoxe dans l’enseignement religieux ; les élèves participent collectivement à la messe ; les non-orthodoxes peuvent être dispensés de l’enseignement religieux et de la messe (mais il ne leur est pas proposé, sauf exceptions, un enseignement religieux alternatif).

Le mariage civil (instauré en 1982) et le mariage religieux célébré par un ministre du culte orthodoxe ont une force égale.


[1] Quand l’empire Byzantin était tombé aux mains de l’empire Ottoman, ce dernier avait appliqué le système du millet (contrôle des populations non musulmanes par une minorité protégée) et confié à l’Église orthodoxe l’administration de la Grèce. Situation privilégiée qui persiste quand la Grèce devient indépendante et que le Roi Othon la déclare autocéphale (indépendante du Patriarcat de Constantinople).

[2] L’Église orthodoxe de Crète relève directement du Patriarcat de Constantinople. D’autres parties du territoire grec échappent également à l’autorité canonique de l’Église orthodoxe grecque ou sont gérées par elle par procuration du Patriarcat de Constantinople.