La Constitution de 1978 prévoit : (i) la liberté religieuse ; (ii) l’égalité des droits entre les citoyens ; que l’État n’a pas de religion officielle ; (iii) que les pouvoirs publics tiennent compte des croyances religieuses de la société et maintiendront des relations suivies avec l’Église catholique (c’est la seule référence à l’église catholique dans la constitution) et les autres confessions ; ce qui équivaut à une reconnaissance officielle du fait religieux.

L’Espagne n’a pas d’Église nationale et il est possible de considérer que le pays est plus dans une logique de coopération avec les Églises que dans un système de séparation.

La position des différents cultes s’inscrit dans un système pyramidal à quatre échelons, qui descend de l’Église catholique qui bénéficie d’un maximum de droits jusqu’aux cultes qui ne bénéficient d’aucun statut particulier. Cependant, quel que soit leur positionnement, les cultes n’existent qu’en qualité d’organismes de droit privé.

a) L’État a signé entre 1962 et 1979 cinq accords internationaux avec le Saint-Siège (dont l’ensemble forme un concordat) : sur la coopération dans l’enseignement et les questions culturelles (droit à enseigner la religion catholique dans tous les établissements publics et privés, les professeurs étant choisis par la hiérarchie catholique et rémunérés par l’État ; fondation de centres d’enseignement privé avec un financement public) ; sur les questions juridiques (libre organisation de l’Église, compétence exclusive des tribunaux ecclésiastiques pour les délits qui ne violent que le droit canon) ; sur les questions économiques ; sur le service militaire des prêtres. Des dispositions spécifiques permettent à l’Église catholique de bénéficier d’une fraction de l’impôt sur le revenu collecté par l’État ; ce financement devait en théorie revêtir un caractère transitoire jusqu’à ce que l’Église puisse s’autofinancer, mais il semble avoir acquis un caractère définitif ; le contribuable peut opter entre ce prélèvement ou un versement à des œuvres d’intérêt général.

L’Église catholique n’a pas été assujettie à l’obligation d’immatriculation prévue par la loi organique de 1980 (voir infra le § c).

b) En application de la Constitution, la loi organique du 5 juillet 1980 définit les modalités de coopération entre l’État et les Églises : des accords de coopération peuvent être signés avec les groupes religieux immatriculés qui prouvent un « enracinement évident » (nombre d’adeptes et impact populaire) dans le pays. Divers cultes ont constitué trois regroupements qui ont été signataires en 1992 d’accords de coopération : protestant, israélite et islamique (1989) ; en pratique le contenu de ces accords est identique. D’autres cultes peuvent obtenir les droits prévus par ces accords à condition d’adhérer à l’un des trois groupements (avec l’accord du groupement concerné).

La signature d’un accord (soumis à l’approbation du Parlement) procure des avantages de même nature que ceux dont bénéficie l’Église catholique. Les avantages susceptibles d’être prévus par ces accords sont : la liberté d’organisation ; la création de cimetières spécifiques ; le bénéfice d’un régime de sécurité sociale pour les membres du clergé ; la reconnaissance des effets du mariage religieux, après inscription à l’état-civil ; la possibilité d’ouvrir des aumôneries dans l’armée, les prisons et les hôpitaux ; la délivrance d’une éducation religieuse dans les établissements publics et privés ; des exemptions fiscales ; la reconnaissance de fêtes religieuses spécifiques ; la possibilité de bénéficier d’une fraction de l’impôt sur le revenu collecté par l’État (les trois regroupements signataires d’un accord ont décliné le bénéfice de cette disposition). Pour d’autres cultes, l’État a reconnu officiellement leur enracinement évident, sans qu’il y ait eu pour l’instant de signature d’accords : mormon (2003), Témoins de Jéhovah (2006), bouddhiste (2007), orthodoxe (2010).

Du fait de la création en 1978 des régions autonomes, certaines religions ont passé des accords avec les administrations locales (par exemple, la communauté juive de Catalogne), dans des domaines relevant de la compétence de ces dernières : santé publique, aumôneries, formation, etc.

c) La loi organique du 5 juillet 1980, outre les accords visés ci-dessus, prévoit que les communautés religieuses auront la personnalité morale par immatriculation sur un registre spécifique tenu par le ministère de la Justice. Le nombre d’organisations immatriculées est de l’ordre d’un millier ; elles bénéficient du droit de fixer leurs propres règles concernant leur organisation.

d) Les groupes religieux qui n’ont pas conclu d’accord de coopération avec l’État ou ne sont pas enregistrés sont régis par la loi générale sur les associations de 2002.

En 2004 a été créée par le gouvernement une fondation de droit public (Pluralisme et vivre ensemble) dont les missions sont : (i) de promouvoir la liberté religieuse (soutien financier à des projets présentés par les confessions qui ont signé des accords) ; (ii) de constituer un espace de débat avec la société sur la liberté religieuse et le vivre ensemble ; (iii) de promouvoir la normalisation du fait religieux dans la société.

La Constitution prévoit le droit des parents à ce que leurs enfants reçoivent une formation religieuse et morale en accord avec leurs convictions ; il appartient à l’État de veiller à ce que cette liberté soit respectée au sein de l’enseignement public.

Depuis 2006, l’instruction religieuse ne fait plus partie des matières obligatoires et a été remplacée par un cours d’instruction civique obligatoire ; les élèves qui souhaitent conserver cette option (désormais non notée) peuvent recevoir une instruction religieuse dans le culte catholique ou l’un des trois cultes signataire d’un accord avec l’État.

Le gouvernement a présenté en 2013 un projet de loi visant à rendre à nouveau obligatoire l’instruction religieuse dans les établissements publics (situation qui existait avant 2006).

Les mariages peuvent être célébrés par une autorité publique ou le ministre d’un culte ayant signé un accord avec l’État (catholique, protestant, israélite, islamique) ; mais, dans le dernier cas, le mariage pour être valable doit être inscrit sur un registre officiel.