Le philosophe allemand Jürgen Habermas souligne dans un article publié dans l'édition des 22-23 novembre 2015 du quotidien Le Monde que le fondamentalisme jihadiste n'est en rien une religion et plaide pour que la France s'interroge sur les ratés de l'intégration sociale.

La politique de l'Europe, des Etats-Unis et de la Russie au Proche-Orient, presque exclusivement déterminée par des intérêts géopolitiques et économiques, conjuguée à un héritage colonial fait de déchirements, a largement contribué à une forte destabilisation de cette région du monde. Les jeunes générations de ces pays, où le processus de modernisation des sociétés a subi un coup d'arrêt et où l'espoir en l'avenir fait défaut, se radicalisent pour regagner leur amour-propre dans un contexte de fermeture des options politiques. Mais, "à côté de la chaîne de causalité qui conduit en Syrie, il en existe une autre, qui attire l'attention sur les destins ratés de l'intégration dans les foyers sociaux de nos grandes villes".

Le fondamentalisme djihadiste a certes recours dans ses manières de s'exprimer à tout un code religieux ; mais il n'est en rien une religion. Il pourrait recourir, à la place du langage religieux qu'il utilise, à n'importe quel autre langage religieux, et même à n'importe quelle idéologie promettant une justice rédemptrice. Les grands monothéismes ont des origines qui remontent très loin dans le temps. Le djihadisme, en revanche, est une forme absolument moderne de réaction à des conditions de vie caractérisées par le déracinement. Attirer l'attention, dans un but préventif, sur une intégration sociale en panne ou sur une modernisation sociale défaillante, ce n'est naturellement pas exempter les auteurs de ces méfaits de leur responsabilité personnelle".