François Burgat, politologue et spécialiste de l'islam, conteste la thèse d'Olivier Roy selon laquelle le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste. Il considère que l'islamisation de la radicalité proposée par ce dernier en alternative à la radicalisation de l'islam pose plus de problèmes qu'elle n'en résoud. Il y voit une incapacité à "construire une perception rationnelle de cet islam que l’on dit politique mais dont on s’évertue ensuite, sous d’innombrables prétextes, à dépolitiser – comme le fait l’approche culturaliste – les motivations supposées de ses acteurs !". Il partage avec Olivier Roy le constat de l'inanité de l'approche culturaliste, mais regrette la condamnation de l'approche tiers-mondiste, qui constitue pour lui "l’alpha et l’oméga de toute approche scientifique du phénomène djihadiste".

Pour François Burgat il n'est pas possible de dire que la radicalisation n'a rien ou peu à voir avec "les contre-performances de la République en matière d’intégration, son passé colonial ou les errements de ses politiques dans le monde musulman". L'approche d'Olivier Roy a pour effet de nous exonérer d'à peu près toute responsabilité. Le fait que les djihadistes soient peu nombreux ne permet pas de préjuger de l'absence d'un malaise identique chez ceux qui ne s'engagent pas dans cette voie. Le fait que les djihadistes n'ont pas connu la colonisation n'est pas plus éclairant ; "oserait-on appliquer ce raisonnement aux états d’âmes et aux luttes des descendants de juifs ou d’Arméniens qui n’ont pas vécu le martyr de leurs ancêtres ?". La fractue générationnelle est-elle une règle absolue ? Le conflit israélo-palestinien n'aurait-il rien à voir avec l'exaspération du monde musulman à notre égard ?

Selon F. Burgat, les prédictions d'Olivier Roy ont déjà été démenties par les faits, dans le passé, quand il avait annoncé dès 1992 une ère post-islamisme et argumenté en 2011 que "quand tout est religieux...plus rien n 'est religieux". La thèse d'O. Roy "déconnecte d'une façon dangeureusement volontariste les théâtres politiques européen et proche-oriental.  "Le débat sur la matrice de la radicalisation – ici ou ailleurs – de l’Autre musulman demeure au cœur de la capacité que nous aurons, ou que nous n’aurons pas, en fonction des ajustements que nous apporterons ou que nous n’apporterons pas en réponse à « la vieille antienne » « tiers-mondiste », à reconstruire notre tissu national pour faire face aux échéances périlleuses qu’il va devoir surmonter".