L'Observatoire de la laïcité a publié le 15 décembre 2015 un avis sur la gestion du fait religieux dans les établissements d'enseignement supérieur.
Le Code de l'éducation précise que l'enseignement supérieur est laïque. En 2014-2015, cet enseignement concernait plus de 2 millions d'étudiants inscrits dans les universités et lesétablissements publics d'enseignement supérieur.
L'Observatoire rappelle que l'université a une histoire commune avec l'Eglise catholique ; ce caractère religieux l'affranchissant dès le moyen-âge du pouvoir temporel. L'émancipation de l'Eglise intervient avec la Révolution. Aujourd'hui l'autonomie de l'université est toujours la règle avec l'article 1er de la loi du 12 juillet 1875 qui précise que "l'enseignement supérieur est libre". Dans une décision 83-165 DC du 20 janvier 1984, le Conseil constitutionnel a affirmé que l’indépendance des professeurs d’université est un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Sur la base d'auditions et de réponses à des questionnaires, le rapport dresse un état des lieux qui révèle une situation globale respectueuse de la laïcité et où les incidents relatifs au fait religieux ont un caractère "isolé, marginal, sporadique". "Il est apparu que dans chacun des cas mentionnés, une issue a pu être trouvée par le dialogue ou en faisant référence au règlement intérieur". Il reste cependant possible que certaines difficultés ne fassent pas l'objet d'une remontée.
L'ensemble des acteurs auditionnés (sauf un syndicat) s'est déclaré opposé à toute évolution législative. La plupart ont, en revanche, critiqué le traitement médiatique des rares incidents existants.
Les difficultés rencontrées en matière de gestion du fait religieux ont concerné : des demandes d'adaptation du calendrier des examens ; des contestations d'enseignement pour des raisons religieuses ; des signes et tenues non adaptés ; une occupation indue d'espace universitaire ; des difficultés lors de contrôles anti-fraude lors d'examens ; des discriminations du fait de la religion ; le prosélytisme ; des ouvrages religieux posés sur une table d'examen.
Plusieurs syndicats ont fait part de leur opposition à l'utilisation du terme université par des établissements d'enseignement supérieur privés ; les critiques ont aussi porté sur la convention du 18 décembre 2008 relative à la reconnaissance des diplômes délivrés par les universités privées catholiques.
Après avoir rappelé le cadre juridique applicable (Code de l'éducation), le rapport formule des recommandations :
- En tant qu'usagers du service public, les étudiants ne sont tenus à aucune neutralité en matière de port de tenues ou signes religieux ; le Conseil d'Etat, dans une décision du 26 juillet 1996, université de Lille II, a rappelé les limites qui existent à cette liberté. La commission Stasi de 2003 considérait que la situation des universités est différente de celle des écoles et qu'il n'y avait pas lieu de légiférer. L'Observatoire partage ce point de vue. Il recommande l'inscription dans le règlement intérieur les obligations qui peuvent incomber aux étudiants lors de certaines activités, pour des raisons d'hygiène ou de sécurité ; une charte d'établissement pourrait être remise à chaque étudiant et à chaque enseignant.
- Lors des examens tout étudiant peut être tenu de découvrir ses oreilles et de justifier son identité.
- Les élèves des Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) qui ont réussi le concours sont des fonctionnaires stagiaires soumis à l'obligation de neutralité ; l'Observatoire préconise que les ESPE intègrent un enseignement relatif à la pédagogie de la laïcité.
- Aucun enseignant ne peut se soustraire à ses obligations au motif qu’un ou plusieurs étudiants assistant à son cours porteraient des signes religieux qui ne lui conviendraient pas. Les enseignants, chercheurs et autres personnels de l'enseignement supérieurs sont soumis aux mêmes règles de neutralité que les autres agents publics.
- L'Observatoire recommande que les établissements se dotent d'un règlement intérieur rappelant les règles applicables en matière de laïcité et de gestion du fait religieux ; il demande aussi la diffusion du guide sur la laïcité établi par la Conférence des présidents d'universités (CPU).
- Toute contestation de cours pour des raisons religieuses est susceptible de sanctions disciplinaires, voire judiciaires ; ces points devront être précisés dans le règlement intérieur.
- Les établissements de l’enseignement supérieur public doivent veiller à prendre les dispositions nécessaires afin d’éviter, dans la mesure du possible, que des examens ou des épreuves ne se déroulent les jours des principales fêtes religieuses, dont le calendrier est publié chaque année par le ministère de la Fonction publique, par voie de circulaire.
- Il convient de préciser, soit oralement au début de l’examen, soit sur la feuille avec le sujet, que tout document autre que ceux expressément autorisés pour l’épreuve est interdit, ce qui englobe également les livres à caractère religieux.
- L’Observatoire recommande que chaque université passe systématiquement une convention avec les associations qui se voient confier un local. Si l’usage de la salle n’est pas conforme à celui pour laquelle elle a été confiée à l’association, l’établissement peut mettre fin à la mise à disposition du local ; les demandes de mises à disposition pérenne et exclusive de locaux pour l’exercice d’un culte ne doivent pas être acceptées.
- L’Observatoire appelle les autorités compétentes à la vigilance quant à l’application des dispositions du Code de l'éducation qui réservent aux seuls établissements publics le qualificatif d'université.
- Certains syndicats auditionnés critiquent la possibilité que la mise en place des Communautés d’universités et établissements (COMUE), qui associent établissements publics et établissements privés, permette d’accorder des subventions publiques à des établissements privés confessionnels. L’Observatoire appelle les autorités compétentes à la vigilance, quant à l’application aux établissements privés des règles prévues par la loi pour la mise en oeuvre des COMUE.
- L'Observatoire rappelle que la décision du Conseil d'Etat du 9 juillet 2010 a établi que l'accord entre la france et le Vatican en matière de reconnaissance de diplômes ne portait pas atteinte au principe de laïcité.
- L’Observatoire rappelle que les formations universitaires (DU) sur les questions liées à la laïcité ne sont pas réservées aux représentants des cultes et sont ouvertes à tous les publics qui souhaitent les suivre.